Seigneurie Ecclésiastique

                                   et Paroisse de Kerling.

 

Par le chanoine Nicolas DICOP

 

Eglise de Kerling

Eglise Saint Jean Baptiste

En ses origines lointaines, la terre de Kerling faisait partie d’un domaine royal que Dagobert Ier, roi d’Austrasie, mit à la disposition de l’archevêque Cunibert de Cologne au début du VIIeme siècle de notre ère. Dans ce fief étaient compris également les bans de Kédange, Malling et Wellen au pays de Trèves. Les mobiles de cette faveur résidaient dans le but de contribuer par là au relèvement du diocèse à cette époque. De ce temps il ne semble pas qu’il y ait eu déjà un sanctuaire sur le territoire de Kerling.

Une des premières tâches à laquelle Cunibert se dévoua en arrivant à Cologne fut la restauration du couvent de Saint-Clément en ville. A cet effet il consacra les revenus issus de la donation royale de Dagobert. C’est dans ce monastère que plus tard Cunibert choisira sa sépulture. Depuis cette époque l’abbaye porte le nom de son restaurateur.

Il semble qu’à ce moment déjà les Bénédictins de Saint-Arnould de Metz possédaient des biens à Kerling et environs. Selon une pratique fort en usage en ces temps-là, les abbayes cherchaient à regrouper à proximité de leurs maisons-mères leurs biens immeubles dispersés dans la vaste région. Il s’agissait ordinairement de quelques manses et de vastes forêts dont elles touchaient les rentes.

Un échange semblable se réalisera en 1088 entre Saint-Arnould de Metz et Saint-Clément de Cologne. Les Bénédictins messins échangèrent avec leurs confrères colonais leurs terres situées respectivement sur le patrimoine de l’un et de l’autre.

Notons au passage qu’à la fin du IXeme siècle le roi de Lorraine Zwentibault contribua à la construction d’un premier sanctuaire à Kerling. Les Bénédictins en firent le centre d’un petit prieuré auquel ils donnèrent le nom de Sainte Régule en souvenir de Sainte Ursule, sa compagne, martyre chrétienne à Cologne au IIIeme siècle. L’ensemble de la seigneurie entra dans le patrimoine des moines de Saint-Arnould qui continuèrent la desserte du prieuré de Sainte Régule au service des manants et des pèlerins du sanctuaire. Leurs rapports avec les Bénédictins du couvent voisin de Rettel (trévirois pour la plupart) étaient de bonne entente. Cette situation se maintint pendant plusieurs siècles.

Au cours de la guerre de Cent Ans et des luttes entre le duc de Lorraine Charles II et la ville de Metz, le prieuré de Kerling avec son sanctuaire furent ruinés et abandonnés. C’est l’époque également où les Bénédictins de Rettel quittent leur couvent pour trouver refuge à Saint –Arnould de Metz en 1431. Les Chartreux de Marienfloss, récemment établis à Rettel, leur succèdent également au prieuré de Kerling. Décision que récusent évidemment les fils de saint Benoît à Metz. D’où une longue lutte entre les deux antagonistes. Il aura fallu l’intervention de la cour de Rome et du pape Callixte III qui attribuèrent en 1455 la prévôté de Kerling à la Chartreuse de Rettel, pour que cesse la lutte.

La paix revenue, le prieuré fut rétabli, la chapelle reconstruite et le service religieux régulièrement assuré par les fils de saint Bruno. Après plus d’un siècle d’accalmie, la guerre de Trente Ans vint ravager l’Europe du Nord dans sa période dite française. La prévôté lorraine de Sierck ne fut pas épargnée. Les méfaits des Croates, les cruautés des Suédois, la prise de Sierck par les Français au mois de septembre 1643 restent vivants dans les mémoires des historiens du terroir. En y ajoutant les épidémies qui ont décimé les populations lorraines, nous aurons une vue succinte des fléaux qui ont ravagé le pays thionvillois au XXIIeme siècle.

Grâce à sa situation géographique dans l’arrière-pays mosellan, le prieuré de Kerling ne disparut pas complètement. Les bâtiments furent épargnés et, au village, un prêtre assurait la présence de l’Eglise. C’était le Père Louis MARTIN des Chartreux de Rettel.

Mais ce que la guerre avait épargné, l’usure du temps l’a érodé . Pour cette époque nous possédons deux témoignages qui méritent d’être évoqués ici.

  1. En 1445, les Chartreux, ayant démontré que depuis plus de 50 ans le service divin était négligé dans ce Prieuré, ils en obtinrent la réunion à leur couvent.
  2. En 1733, l’église de Kerling réduite à l’état de ruine, est fermée au culte. Le service religieux sera assuré pendant plusieurs années à la chapelle de Haute-Sierck.

Il est fort probable qu’à cette époque l’église et le cimetière de Kerling aient été frappés d’interdit par l’évêché de Trèves dans l’attente d’une restauration. Quelques années plus tard, aux termes de la visite canonique de 1743, la sentence est levée et le service religieux rétabli au village de Kerling.

A la chapelle du prieuré voisin la desserte assurée par les chartreux devient irrégulière. Elle ira en se dégradant progressivement jusqu’à la fin de ce siècle. Au moment de la Révolution (1790) elle sera vidée de ses atours transférés à l’église voisine et vendue par la suite.

A la même occasion, sous le Directoire, l’ex-seigneur d’Inglange, Ignace de Gargan, acquit l’une des deux fermes que la Chartreuse de Rettel possédait sur le ban de Kerling. De nos jours, les vestiges de la chapelle du prieuré de ce village sont effacés. 0n en connaît à peine encore son emplacement exact. Mais un « bildstock » élevé sur le terre-plein du domaine de l’ancienne Chartreuse rappelle l’existence du sanctuaire d’autrefois.

Chapelle Saint Joseph de FRECHING

 

Freching Chapelle Saint-Joseph : paroisse de Kerling

Chapelle Saint-Joseph de Freching

Le hameau de Fréching, de temps immémorial, faisait partie de la prévôté lorraine de Sierck.

Au spirituel, il relevait du prieuré de Kerling. Les voués en étaient les seigneurs de Sierck-Montcler. Sous-voué fut en 1520 Claus Moitrier qui vendit ses droits au duc de Lorraine Charles III, vers 1590. Le village devint français en 1718 par le traité de Paris du 20 janvier

En 1744, le village fut uni à Montenach pour constituer la seigneurie de Rotendorf avec la totalité de la justice.

L’existence d’une chapelle au centre de la localité est mentionnée vers 1775. A cette époque, on n’y célébrait pas la messe, mais on priait régulièrement le chapelet. Cet oratoire était dédié à Saint Joseph. Ce ne fut sans doute pas le premier sanctuaire du village. Comme les Chartreux y jouissaient de la justice foncière sur tout le ban depuis le XVème siècle, force leur fut d’assurer le service religieux de leurs manants et d’y élever un oratoire. Non loin de là on signale également la présence d’une école. Au mur extérieur du bâtiment une petite cloche dessert sans doute les deux. Elle était millésimée et portait la date de 1758 avec l’inscription « Jésus, Marie, Joseph ». Tout porte à croire qu’elle fut fondée par les Chartreux. Au moment de la Révolution, elle fut réquisitionnée et livrée à la fonte. Tout au long du XIXème siècle, les habitants de Fréching seront privés du tintement de leur unique cloche. Il faudra attendre l’arrivée d’un nouveau desservant à Kerling, pour redonner une âme à cette agglomération. C’est en 1892 que l’abbé Henri-Louis THILMONT fit l’acquisition d’une nouvelle cloche pour sa chapelle. Depuis cette époque  elle a échappé à deux réquisitions et continue de veiller aux destinées du village. Son inscription est ainsi libellée :

1892

S.JOSEPH, ora pro nobis

FECERUNT

Entreprise BOURET et GUENSER

METENSES

A la même époque, le bâtiment connut une restauration extérieure complète. Le linteau de la porte, frappé du chiffre 1887, rappelle aujourd’hui encore aux passants l’année des travaux.

Par la même occasion, la toiture rehaussée du sanctuaire permit d’offrir à la cloche un abri sûr qu’elle n’a plus quitté depuis. Une nouvelle épreuve attendait la bâtisse au cours de la Seconde guerre mondiale. Profondément sinistrée à la suite des combats de la Libération au mois de novembre 1944, (couverture soufflée, vitraux éclatés) elle connut une nouvelle restauration dont l’image enchante le visiteur en entrant dans la localité et sa chapelle.

                                                                                                   L’abbé Nicolas DICOP

Chapelle Saint Nicolas de HAUTE-SIERCK

 

Haute-Sierck Chapelle Saint-Nicolas : paroisse de Kerling

Chapelle Saint-Nicolas d’Haute-Sierck

Cet autre écart de la paroisse de Kerling-les-Sierck constitue également une seconde composante de la seigneurie du même nom.

Le prieuré de Sainte Régule n’en fut pourtant pas l’unique seigneur foncier. Les voués du domaine furent successivement les Valcourt, Montcler, Sierck, Choiseul, Duhan (de Haen) et Coislin.

Française en 1661, la seigneurie fut incorporée en 1781 à celle de Rodendorf-Montenach.

Cette agglomération semble avoir été assez importante autrefois. En 1509, nous y avons trouvé la première évocation d’une chapelle  dédiée à Saint Nicolas. Il pourrait bien s’agir d’un vicariat résidentiel. Le curé de Kerling y célébrait la messe aux fêtes de sainte Catherine (25 nov .) et saint Nicolas (6 déc.)

En 1627, nous rencontrons « Mathis le Prestre », primicier à Haute-Sierck. Un siècle plus tard, notre suggestion se confirme ; Dans les registres paroissiaux de Malling, nous avons relevé la recension suivante :

16.3.1736-Hubertus HINCKES echternachensis p.(ro)t(empore) sacellanus in Audensir qui ibidem defectaecclesiaparochialis in Kelingensépultus fuit.Le texte mérite une analyse.

Nous ignorons si ledit Hinckes était originaire du Grand-Duché ou bénédictin de l’abbaye d’Echternach. A l’époque, la chapelle de Haute-Sierck faisait partie du domaine du prieuré de Sainte Régule de Kerling dont le décimateur était la Chartreuse de Rettel.

Comme l’église du lieu était frappée d’interdit (sans doute pour manque d’entretien), la présence d’un écclésiastique à l’annexe devenait inutile. De là s’explique la mutation de Hinckes à Malling. La décision n’était pas fortuite. Elle relevait du domaine de la juridiction de la Chartreuse. Pour  les mêmes raisons, le dernier vicaire de Haute-Sierck sera inhumé sur place.

A la veille de la Révolution de 1789, il n’y a plus de prêtre en résidence dans la localité. Et il n’y en aura plus par la suite.

Indépendante auparavant, Haute-Sierck, depuis 1811, est une annexe de la commune et de la paroisse de Kerling.

 

                                                                                                  L’abbé Nicolas DICOP